1. Henri Prost

A partir de 1912, avec la signature du traité du protectorat, les premières constructions importantes apparaissent en dehors de l'enceinte de l'ancienne médina. La spéculation sur les terrains est féroce et l'urgence d'une réglementation s'impose. Après les premiers plans d'aménagement de géomètres, dont Tardif qui dessine l'emprise de la nouvelle ville circonscrite par le boulevard circulaire (boulevard de la Résistance et boulevard Zerktouni), le premier Résident général au Maroc, le Maréchal Lyautey, fait nommer l'urbaniste Henri Prost, "Directeur du service spécial d'architecture et des plans des villes", en février 1914.
Henri Prost, qui reste 8 ans au Maroc, présente son premier plan d'aménagement pour Casablanca en 1915. Il va inscrire définitivement Casablanca dans l'histoire des villes modernes, en mettant en œuvre pour celle-ci, voulue "capitale économique" dotée d'un grand port par le Général Lyautey, une réglementation originale et innovante en matière d'urbanisme (nouvelle science).
Henri Prost s'inspire des expériences allemandes et américaines : zonage, occupations des sols, gabarits, alignements, remembrements. La mise en pratique de ces nouvelles règles ne pourra se faire, en France, qu'après la première guerre mondiale, faisant de Casablanca une référence.
2. Michel Ecochard
Casablanca, médiatisée en même temps qu'elle se construit, devient alors le rendez-vous de la modernité pour ses habitants, immigrés de l'intérieur du pays ou de l'étranger, comme pour ceux qui la visitent.
La réglementation des plans de Henri Prost reste en vigueur jusqu'à la fin des années 40. Bien qu'en 1943, Alexandre Courtois soit chargé de leur remaniement, ce n'est qu'avec l'arrivée de Michel Ecochard en 1947 qu'un nouveau plan d'aménagement sera mis en place.
Michel Ecochard, second grand urbaniste de Casablanca, inspiré des principes de la charte d'Athènes1 (rédigée par Le Corbusier à l'issue du Congrès international d'architecture moderne, tenu à Athènes en 1933), propose, en 1951, dans le rapport préliminaire sur l'aménagement et l'extension de Casablanca, un plan d'extension linéaire le long de la côte qui reliera les deux pôles portuaires de Casablanca et de Mohammedia, bordé par la création de l'autoroute Casablanca-Rabat. Il réalise la percée de l'avenue des F.A.R., relançant le projet de quartier des affaires proche du port, où se construisent "en peigne" de nouveaux bâtiments comme l'hôtel Marhaba d'Emile Duhon en 1956, longtemps repère dans le paysage de la ville.
De 1946 à 1952, il mènera la bataille du logement social face aux intérêts du grand capital. Ses plans de zoning sont approuvés en 1952. Il est démis de ses fonctions en décembre 1952 par le Général Guillaume. Il exercera une grande influence sur la nouvelle génération d'architectes qui entrent en scène à l'indépendance et décrira son expérience dans un livre " Casablanca, le roman d'une ville".
Les règlements de 1952 seront appliqués jusqu'en 1984, où est publié le nouveau schéma directeur élaboré par le cabinet de Michel Pinseau.
Quelques dates :
Henri Prost (1874-1959) dirige les services des plans des villes au Maroc de 1914 à 1922.
Alexandre Courtois (1904-1974) exerce au Maroc de 1942 à 1965.
Michel Ecochard (1905-1985) est directeur de l’urbanisme du Protectorat de 1946 à 1952.
Les chiffres donnent la mesure de l’expansion de la ville :
1900 : 20 000 habitants
1913 : 78 000 habitants (dont 31 000 européens)
1920 : 100 000 habitants (dont 40 000 européens)
1932 : 165 000 habitants (dont 50 000 européens)
1936 : 257 000 habitants (dont 80 000 européens)
1947 : 550 000 habitants (dont 100 000 européens)
1950 : 658 000 habitants (dont 158 000 européens)
2000 : 4 800 000 habitants.
On voit ainsi sans la première moitié du siècle la population se multiplier par 30 et par 7 dans la deuxième.